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Pressings: les voisins encore trop exposés

8 Jan

Publié par Solenne Durox dans le Parisien du 7/01/2013

carnetdesante

« Nous ne pouvons pas encore attendre 10 ans avant d’interdire définitivement le perchloroéthylène, c’est beaucoup trop long ! », déplore Pascal Denot, vice-président de l’Association des Victimes des Émanations de Perchloroéthylène des Pressings (ADVEPP). Celle-ci dénonce le délai accordé aux pressings en activité pour bannir ce solvant dangereux pour la santé. En effet, si le nouvel arrêté signé début décembre par le ministère du développement durable interdit l’implantation de toute nouvelle machine de nettoyage à sec fonctionnant au perchloroéthylène, les installations existantes ont jusqu’en 2022 pour trouver une solution de remplacement. Inacceptable au vu de l’urgence sanitaire pour l’ADVEPP.

En témoigne cette alarmante étude du Laboratoire Central de la Préfecture de Police (LCPP) publiée en 2012 qui met en évidence des concentrations très élevées de perchloroéthylène aussi appelé tetrachloréthylène, souvent au-dessus des normes autorisées, dans une centaine de logements en région parisienne. De 2006 à 2011, le Laboratoire Central de la Préfecture de Police a ainsi effectué 177 analyses de l’air dans 122 logements situés au-dessus d’entreprises de nettoyage à sec. Les résultats montrent que 81 % des pièces analysées présentent des taux supérieurs à la valeur guide de l’air intérieur de l’Organisation Mondiale de la Santé (250 µg/m3 sur 1 an). Or, le perchloroéthylène est un solvant considéré comme cancérigène probable pour l’homme par le Centre de recherche contre le cancer (CIRC). Il est toxique pour le système nerveux et les reins, provoque des irritations des voies respiratoires et des yeux ainsi que des vertiges, des nausées et des maux de tête. Il est officiellement à l’origine de deux décès en France : un enfant en 1994 et une femme à Nice en 2009.

500 fois plus que la valeur de référence
En région parisienne, la médiane des niveaux de tetrachloréthylène s’élève à 1 500 μg/m3. Une pièce a même été mesurée à 120 000 µg/m3 par le laboratoire central. Soit près de 500 fois plus que la valeur de référence ! Rappelons qu’au-delà de 1250 µg/m3, le Haut conseil pour la santé publique (HSCP) recommande que des mesures correctives soient rapidement mises en œuvre. En outre, les mesures effectuées avant et après montrent que les travaux de mise en conformité ne sont pas toujours suivis d’une amélioration nette de la qualité de l’air. « Ces solutions ne permettent pas le respect des valeurs de référence préconisées », souligne l’étude. Les auteurs rappellent aussi que les analyses de l’air en région parisienne ont été faites suite à des plaintes pour nuisances olfactives ou problèmes de santé. Elles ne reflètent donc pas la réalité du nombre de logements impactés par les activités de pressing. « Le seuil olfactif se situant à environ 7 000 μg/m3, les concentrations en tétrachloréthylène dans l’air d’autres logements peuvent être supérieures aux valeurs de référence sans qu’une plainte n’ait été émise », écrivent-ils. On estime que 100 000 à 200 000 personnes sont exposées en France aux vapeurs de ce solvant dangereux pour la santé.

Encadré : Ce que prévoit le nouvel arrêté du 5 décembre 2012

– 1er mars 2013 : interdiction d’installer des nouvelles machines de nettoyage à sec fonctionnant au perchloroéthylène dans les pressings contigus à des locaux occupés par des tiers.

– 1er septembre 2014 : interdiction d’utiliser une machine au perchlo de plus de 15 ans

– 1er janvier 2022 : interdiction totale du perchlo dans les pressings

Ces pressings qui nous intoxiquent au perchlo

23 Avr

Publié le 22 fév 2012 par Solenne Durox

Le perchloroéthylène, solvant toxique classé cancérigène probable pour l’homme, est interdit aux États-unis et au Danemark. En France, 90 % des pressings l’utilisent encore. Outre le cancer, cet agent provoque des nausées, des troubles respiratoires et nerveux, et est impliqué dans la maladie de Parkinson. Soutenues par des scientifiques, des victimes du « perchlo » réclament son interdiction. Et menacent de porter plainte contre l’État.

« J’aurais la peau du perchlo. » Frédéric Bernard n’est pas du genre à lâcher le morceau. Cela fait plus de deux ans qu’il cherche à faire reconnaître par la justice l’empoisonnement de sa mère par le perchloroéthylène. Ce solvant organique chloré est utilisé par plus de 90 % des pressings en France pour nettoyer nos vêtements.

Décédée en décembre 2009 d’une arythmie cardiaque, José-Anne Bernard habitait juste au-dessus d’un pressing à Nice. Durant deux ans, elle a inhalé les fortes émanations de perchloroéthylène qui s’échappaient du commerce. L’autopsie a révélé d’importantes concentrations du solvant dans tout son corps. Le gérant du pressing a été mis en examen pour homicide involontaire en septembre dernier. Accompagné de la police scientifique, le juge d’instruction Chemama, en charge de l’affaire, s’est rendu mercredi matin sur le site de l’ancien pressing afin d’établir la topologie des lieux.

« Ce cas est emblématique du danger que représente le perchloroéthylène pour les employés mais aussi pour les riverains », estime François Veillerette, porte-parole de Générations futures. L’association a décidé de se porter partie civile dans l’affaire de Nice. « C’est un moyen d’épauler les victimes et de demander des comptes à tous les responsables », affirme-t-il. Y compris l’État.

« Il y a urgence »

Générations futures, le Réseau environnement santé et l’Association de défense des victimes d’émanations du perchloroéthylène des pressings (Advepp) ont décidé de taper du poing sur la table pour dénoncer un nouveau scandale sanitaire. Leur objectif : faire interdire l’utilisation du produit chimique, comme c’est déjà le cas aux États-Unis et au Danemark. « Il y a urgence. Nous avons affaire à un solvant toxique, classé cancérigène probable pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) et par l’agence de protection de l’environnement des États-Unis, mais qui a été complètement banalisé », explique le chercheur André Cicolella, président du Réseau environnement santé.

Des études ont prouvé qu’il provoque des nausées et des vertiges. Il irrite également les voies respiratoires, attaque le système nerveux et les reins. Dans les cas les plus graves, il peut se révéler mortel. « Le cas de Mme Bernard n’est pas isolé, explique François Veillerette. Le ministère de l’Écologie a lui-même recensé dans un document des dizaines d’incidents et d’hospitalisations liés au perchloroéthylène. » Le solvant est également impliqué dans la maladie de Parkinson (lire aussi notre entretien sur le sujet).

Des victimes de plus en plus nombreuses

Les gérants et les employés de pressing sont les premiers exposés. Les riverains ne sont pas non plus épargnés. Au mois de janvier 2009, à Montrouge, trois enfants qui habitaient au-dessus d’un pressing ont dû être évacués par les pompiers et hospitalisés. Ils souffraient de graves troubles respiratoires. Sabine B. a, elle aussi, été intoxiquée à deux reprises en 2007 par le pressing en-dessous de chez elle. Elle a dû à chaque fois être emmenée aux urgences. Le pressing a fermé, mais elle garde des séquelles : « Je souffre de violentes migraines, j’ai des trous de mémoire, mon foie est aussi mal au point », explique-t-elle. Relogée durant huit mois avec son fils à l’hôtel, elle a dû réintégrer son appartement, qui est toujours contaminé.

« Nous recueillons de plus en plus de témoignages de personnes malades. Les gens vont maintenant faire le lien entre leurs problèmes de santé et les émanations de perchloroéthylène du pressing voisin », affirment Thierry Drouin et Pascal Denot, fondateurs de l’Advepp. Ces deux restaurateurs rennais sont engagés dans un combat judiciaire sans fin. Ils respirent depuis plus de dix ans les vapeurs de perchlo du pressing voisin. Malaises, maux de tête, problèmes respiratoires, hépatite toxique et lésions au cerveau : plus le temps passe, plus leur santé se dégrade. Et l’administration tarde à réagir.

Le mythe d’un usage contrôlé

Certes, l’État compte prochainement modifier la réglementation qui encadre l’activité des pressings, en renforçant les contrôles notamment. Mais, pour les associations, cela reste insuffisant. Elles réclament l’interdiction pure et simple du perchloroéthylène. « C’est un peu comme si on nous expliquait qu’il peut y avoir un usage contrôlé de l’amiante… », remarque André Cicolella, pour qui« l’État reste sensible aux arguments de l’industrie du pressing ». Par quoi remplacer le perchloroéthylène ?

Il existe plusieurs solutions alternatives, parmi lesquelles le nettoyage aux hydrocarbures, le siloxane et l’aquanettoyage (sur ces produits de substitution voir la fiche de l’INRS). Malgré des incitations, notamment financières, à changer de technologie, peu de pressings sautent le pas. « Nous avons très peu de recul sur la toxicité de ces alternatives au perchloroéthylène, explique Franck Taïeb, président du CFET Pressings de France. Dans les années 1980, les autorités avaient recommandé de substituer le perchloroéthylène par des solvants fluorés, sensés être plus « écolos ». Ils ont été interdits quelques années plus tard parce que dangereux pour l’environnement ! Nous espérons bien sûr trouver rapidement un « solvant miracle » qui serait sans inconvénient. » Une hypothétique solution qui ne réjouira pas les distributeurs de perchloroéthylène en France, notamment la firme nord-américaine Univar (7,9 milliards de dollars de chiffre d’affaires), détenue par deux puissants fonds d’investissement [1], ou la multinationale belge Solvay, sise à Bruxelles (6,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires) [2].

Vers une plainte pour carence fautive de l’État ?

Il existe aussi une solution sans solvant, l’aquanettoyage ou nettoyage à l’eau. Un procédé non toxique. Son usage se démocratise peu à peu en France. La solution Lagoon™ d’Electrolux, leader sur le marché, équiperait déjà plus de 150 établissements. Le parc du Puy-du-Fou ou l’opéra Bastille, par exemple, utilisent ce procédé. Son principal défaut est son coût de revient, plus élevé que celui du perchloroéthylène…

« Nous allons demander à être reçus par le ministère. Si nous n’obtenons pas d’engagement ferme sur l’interdiction du perchloroéthylène, nous envisageons sérieusement la possibilité de porter plainte pour carence fautive de l’État », affirme François Veillerette. En 2001, les pouvoirs publics avaient étécondamnés pour ce même motif dans l’affaire de l’amiante. Prendront-ils cette fois les mesures nécessaires pour prévenir les risques d’exposition au perchloroéthylène ?

Solenne Durox

Photo : source

Notes

[1] CVC Capital Partners, l’un des plus gros fonds d’investissement, et Clayton, Dubilier & Rice.

[2] Solvay a repris les activités du groupe chimique français Rhodia, ex Rhône-Poulenc.

Perchloroéthylène dans les pressings : un sale dossier ?

17 Fév

Publié par le Journal international de médecine le vendredi 17 février 2012 –

Les alertes lancées par les associations écologistes contre le perchloroéthylène, un solvant utilisé pour le nettoyage à sec, ne datent pas d’aujourd’hui. Cependant, Générations futures et Réseau santé environnement relancent leurs appels au gouvernement sur ce dossier à la faveur de l’ouverture, à Nice, d’une information judiciaire destinée à élucider les circonstances de la mort d’un septuagénaire qui résidait au-dessus de son pressing et chez lequel une autopsie aurait révélé la présence de perchloroéthylène. Classé dans le groupe 2A des substances « cancérogènes probables » le perchloroéthylène est suspecté de favoriser les risques de cancer de l’œsophage, du col de l’utérus et de lymphomes non Hodgkininens. Les résultats des études manquent cependant de concordance et les derniers travaux en date publiés par une équipe suédoise, qui semblaient écarter l’existence d’un danger accru, n’emportent pas plus clairement la conviction.

Des normes pas toujours respectées

Par ailleurs, au-delà de ces incertitudes, il est probable que les normes en vigueur ne soient pas systématiquement respectées. C’est du tout moins ce qu’affirme André Cicolella, président du Réseau santé environnement qui assure que les normes de l’OMS sont de 250 μg/m3 et que nombre de riverains de pressing en France « sont en moyenne exposés à 2 000 μg/m3». Si ces chiffres alarmants ne sont pas confirmés par les pouvoirs publics, le ministère de l’Ecologie reconnaît que les règles ne sont pas unanimement appliquées. « Plus des deux tiers des pressings sont conformes » répond-t-on en effet ce qui laisse supposer qu’une minorité, non négligeable, manque de vigilance.

La suite sur le journal international de médecine (JIM)

Exposition de l’enfant au tétrachloroéthylène: risque double de trouble bipolaire

21 Jan

Publié sur Santelog le 20 janvier 2012

Cette étude publiée ce 20 janvier dans la revue Environmental Health, vient alerter sur les dangers d’un solvant, le tétrachloroéthylène (ou perchloroethylene –PCE), dénoncé autrefois, pour sa présence dans les canalisations d’eau potable. Toujours utilisé dans de nombreux secteurs industriels, l’exposition in utéro ou dans la petite enfance, à ce neurotoxique, vient d’être associée à un risque accru de trouble bipolaire et de de stress post-traumatique, à l’âge adulte.

Le tétrachloroéthylène (PCE) est largement utilisé dans l’industrie (séchage textile, peintures et solvants) mais c’est une neurotoxine connue pour provoquer des changements d’humeur, l’anxiété et la dépression chez les personnes exposées en milieu professionnel.
À ce jour, l’effet à long terme de ce produit chimique sur les enfants exposés est moins documenté, mais les auteurs précisent qu’il existe des données suggérant que les enfants des personnels de l’industrie du nettoyage à sec présentent un risque accru de schizophrénie. Par ailleurs, En 1995, l’IARC a classé le PCE comme cancérogène probable chez l’Homme (Groupe 2A).

Cette nouvelle recherche, américaine, constate que l’exposition de l’Enfant au PCE est associée à un risque accru de trouble bipolaire et de stress post-traumatique. L’étude a suivi durant 14 ans, 831 adultes exposés au PCE à la fois avant leur naissance et pendant la petite enfance et 547adultes non exposés. Ces chercheurs de l’Université de Boston qui ont suivi l’incidence de la maladie mentale chez ces adultes du Massachussetts, concluent à un risque double de trouble bipolaire (RR/ 2.7, IC :95% de 1.3 à 5.6) double de schizophrénie (OR : 2.1 N=3 exposed cases, IC : 95% de 0.2-20.0) comparé à un groupe non exposé, et à un risque accru de 50% de de trouble de stress post-traumatique (RR: 1.7, IC : 95% de 0.9 à 3.2). En revanche, ils ne constatent aucune augmentation de l’incidence de la dépression, avec l’exposition au PCE. Le nombre de cas de schizophrénie est trop faible pour porter à conclusions. (…)

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